Pour sonder la sincérité de Dorante, qu’on lui destine sans l’avoir jamais rencontré, Silvia échange son habit avec sa servante Lisette.
Ce qu’elle ignore, c’est que son prétendant a recours au même stratagème avec son valet Arlequin. Ainsi travestis, les deux couples seront donc les dupes de ce jeu de hasard et d’amour orchestré par le père de Silvia et son fils Mario.
Parviendront ils à sortir de ce cruel labyrinthe amoureux ? C’est évidemment tout l’enjeu de ce scénario génial, épuisant pour ceux qui en sont les victimes, réjouissant pour ceux qui les manipulent.
Jouer et mettre en scène Marivaux aujourd’hui, c’est allumer un feu d’artifice de questions : comment mettre en jeu des corps contemporains immergés dans la beauté, la rigueur et les difficultés de la langue du XVIIIème siècle ? Comment concilier sensualité et intelligence ? Comment relever le défi formel du verbe tout en s’interrogeant sur la façon dont ce texte questionne notre époque ? Comment jouer avec amour mais sans respect ?
Le jeu de l’amour et du hasard est une pièce à la modernité stupéfiante qui met en scène une promesse: celle d’une révolution sensuelle et politique. Une réinvention de l’amour ! L’affranchissement des plus faibles germe dans le dernier acte : c’est le signe évidemment prémonitoire de la révolution de 1789 et de l’abolition des privilèges.
Mais c’est pour nous, spectateurs d’aujourd’hui, le miroir d’une autre révolution portée par la jeunesse, une révolution sans conteste féminine et qui irrigue toutes les générations : celle de la redistribution des dominations sexuelles. Ce souffle insurrectionnel, qui est un souffle de vie, a été le moteur de notre travail.
Note d'intention
Metteur en scène
Frédéric Cherboeuf
Acteur, metteur en scène et pédagogue, Frédéric Cherboeuf est admis à l’école du Théâtre National de Strasbourg, après des études de Lettres et Philosophie. Il joue également au cinéma et à la télévision. Auteur, il reçoit en 2012 le Prix d’Écriture dramatique de la ville de Guérande pour On ne me pissera pas éternellement sur la gueule, un texte qui recevra également les Encouragements du CNT en 2013. En 2014 il fonde avec Vincent Berger la Compagnie La Part de l’Ombre dont il devient le directeur artistique. Après les créations des Amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable d’après le texte d’Hervé Le Tellier et de Marcel Duchamp (Centre Pompidou), il met en scène L’Adversaire, d’après le roman d’Emmanuel Carrère.
En résidence au Cent-Quatre à Paris , il crée Oui Mai, un dialogue entre un père et son fils autour de mai 68 et de ses héritages. En Janvier et février 2018, il dirige les acteurs de l’ESAD (promo 18) au Grand Parquet à Paris dans Que Je T’Aime. L’année suivante il met en scène Tebas Land de l’auteur uruguayen Sergio Blanco puis en août 2021, Les Athlètes dans leur tête dans le cadre de l’HyperFestival de la Ville de Paris.
Il est également professeur au Cours Florent.
La pièce
Depuis sa création en 1730, la pièce s’est imposée comme un des chefs-d’œuvre de Marivaux. Elle reprend ses thèmes de prédilection : le travestissement, le refus des aveux, ou encore le laboratoire amoureux. Mais cette pièce se distingue par l’harmonieux et périlleux équilibre qu’elle invente entre une forme dramatique inspirée de la comédie italienne et une intrigue de drame bourgeois.
La pièce est drôle, rythmée et musicale.
Mais sous la joie, la violence des questions posées par le texte émerge à chaque scène : L’amour est-il naturel ou culturel ? Peut-il ignorer les barrières sociales ? Chacun vaut-il par ce qu’il est ou par ce qu’il paraît ? Le Jeu de l’amour et du hasard nous conduit bien au- delà du marivaudage, voilà pourquoi il faut prendre à la lettre la réplique de Silvia qui, parlant de l’amour nous rappelle que « c’est une bagatelle qui vaut bien la peine qu’on y pense ».
DISTRIBUTION